PSALMANAZAR l’imposteur a illustré son livre sur Formose. Mais où a-t-il puisé son inspiration ? Essayons d’en retrouver les sources ! Quant à Gadavia et Kaboshi, arriverons-nous à dévoiler le mystère de ces deux dénominations synonymes de Taïwan selon le mythomane du XVIIIe siècle ?
- Premier chapitre : De Belle-Iſle à Taïwan en passant par Tayoan et Formosa
- Second chapitre : De Paccande à Taïwan en passant par Paccahimba et Theovan
- Troisième chapitre : De Pakkang à Taïwan en passant par Tayovang et Tayoā
- Quatrième chapitre : Les illustrations sur Taïwan trouvées dans le livre de George PSALMANAZAR

Référence bibliographique
LE CHEVOIR Patrick, 2022, Les illustrations trouvées dans le livre de George PSALMANAZAR, in livresquejaime.fr
Auteur
Patrick LE CHEVOIR (1964)
Domaines
Taïwan
Article non sponsorisé
Année 2022
livresquejaime.fr

Temps de lecture estimé : 34 minutes
Table des matières
- Les illustrations sur Taïwan trouvées dans le livre de George PSALMANAZAR
- La genèse d’une illustration mensongère: le Tabernacle
- D’où proviennent les éléphants imaginaires de PSALMANAZAR ?
- Les embarcations formosanes imaginées par PSALMANAZAR
- Formose : la carte de l’imposteur

Chapitre IV
Les illustrations sur Taïwan trouvées dans le livre de George PSALMANAZAR
Nous n’oublions pas l’un des objectifs que nous nous sommes fixés à la fin de chapitre II, à savoir retrouver les sources dans lesquelles a puisé George PSALMANAZAR, l’escroc qui se fit passer pour un Formosan au début du XVIIIème siècle.
Nous analyserons son livre imaginaire sur Formose en mettant l’accent sur les illustrations choisies pour en agrémenter les pages.
Au gré des siècles, l’orthographe du pseudonyme du Provençal mythomane a subi quelques modifications. Nous avons choisi d’utiliser la forme actuelle qui comporte deux voyelles en moins. A l’origine le pseudonyme de l’imposteur était George PSALMANAAZAAR.

La genèse d’une illustration mensongère: le Tabernacle
Intéressons-nous brièvement à l’illustration de l’Autel et du Tabernacle que nous trouvons dans le livre de George PSALMANAZAR.

Nous pourrions nous demander quelle est la genèse de cette illustration mensongère ? A notre avis, il s’agit d’une invention liée à une illustration plus ancienne datant 1676 que nous trouvons à l’intérieur du livre de Frederik COYETT intitulé “‘t verwaerloosde Formosa” (Formose négligée).

De Camille IMBAULT-HUART à Frederik COYETT
Deux siècles plus tard, Camille IMBAULT-HUART utilise le même dessin que celui de l’ouvrage de Frederik COYETT pour son livre “L’île Formose : histoire et description” (p. 41). Nous avons donc la possibilité de le comparer à l’illustration trouvée les pages de l’inventif George PSALMANAZAR.

Certes, il existe des différences entre les deux Tabernacles mais en examinant l’image entière que nous découvrirons ci-dessous, nous avancerons une hypothèse qui nous semble justifiée concernant le culte des bovins.

Du culte imaginaire dédié aux bovins
Notre hypothèse ne repose pas que sur la ressemblance du tabernacle. En regardant l’illustration hollandaise du XVIIe siècle dans son entier, nous apercevons des motifs animaliers représentant des têtes de cervidés et de bovidés.

Or, dans l’ouvrage de George PSALMANAZAR “Description dressée sur les mémoires du sieur George Psalmanaazaar” , traduction française de 1739, nous retrouvons cinq illustrations liées à un culte imaginaire dédié à une vache ou à un bœuf le plus souvent associé à un soleil et à une lune.

Nous retrouvons également ces images dans l’édition originale de 1704 “An Historical and Geographical Description of Formosa, an Island subject to the Emperor of Japan” . L’imagination féconde du faussaire nous offre même des exemples d’une monnaie fantaisiste de Formose où nous retrouvons le bovidé.
Si notre hypothèse s’avère exacte, nous devrions comprendre pourquoi George PSALMANAZAR s’est inspiré de cette illustration pour son ouvrage sur Taïwan.

Un temple protestant à Sakkan
Nous attirons l’attention sur le fait que Camille IMBAULT-HUART signale que le dessin représentant un temple à Taïwan est en fait un “temple protestant à Sakkam au temps des Hollandais” [IMBAULT-HUART Camille 1893 : 41]
En consultant l’édition hollandaise de “Formose négligée” de 1676, nous trouvons enfin l’illustration originale et la confirmation du lieu avec une autre graphie : Saccam.
Depuis les trois premiers chapitres sur Taïwan et ses noms à travers l’Histoire, nous sommes confrontés à une difficulté récurrente, à savoir celle liée aux toponymes anciens qui n’ont pas survécu jusqu’à nos jours. Nous devons maintenant nous intéresser à ce lieu nommé Sakkam afin de pouvoir le situer dans l’espace et le temps.

Sakkam à travers la littérature historique
“L’île Formose : histoire et description” de Camille IMBAULT-HUART nous éclaire sur le village de Sakkam :
“Sur la côte de l’île [Formose], vis-à-vis de l’îlot T’aï-ouan, était le village de Sakkam (Tch’e-kan des Chinois), non loin d’une rivière venant déboucher dans la rade, qui pouvait renfermer une centaine de maisons.” [Camille IMBAULT-HUART Camille 1893 : 22] (lire l’extrait sur gallica.bnf.fr)
A la page suivante, dans la note de bas de page n°1, IMBAULT-HUART précise que “le village de Sakkam, agrandi, est devenu la ville de T’aï-ouan-fou […]” , c’est-à-dire l’actuelle ville de Tainan.
Dix années plus tard, en 1903, James Wheeler DAVIDSON précise dans son livre “The Island of Formosa, Past and Present” que ce toponyme provient de la tribu des Sakkam qui n’étaient autres que les aborigènes vivant non loin de Fort Zelendia. [DAVIDSON James Wheeler 1903 : 14]

Le cas de Sakkam et les transcriptions occidentales
Dans le premier chapitre de cette étude sur Taïwan, nous avions mis en relief la difficulté de retranscrire la langue chinoise dans les textes occidentaux. Avec l’exemple de Sakkam nous nous confrontons au même problème bien qu’il s’agisse ici d’une langue aborigène de l’île de Formose.
Dans le volume 19 du “Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ireland” , l’article XIV “Formosa Notes on MSS., Races and Languages” , Albert Etienne Jean Baptiste TERRIEN DE LACOUPERIE nous donne une liste considérable des différentes graphies occidentales concernant Sakkam qu’il nomme Sinkam : “[…] Sinkkam, Cinckon, Sincam, Siccam, Sicam, Zijkam, Sekam, Sakam, Sakkan, Sakkam.” [TERRIEN DE LACOUPERIE Albert 1877 : 468] de Volume 19 : 413 468. Cet article est consultable sur books.google.pl.

Histoire de la ville de Sakkam
L’histoire de la ville de Sakkam est liée à celle du Fort Provintia qui fut la seconde forteresse construite par les Hollandais près de l’îlot où ils avaient établi Fort Zeelandia. Sans trop approfondir les différents toponymes du village devenu ville de Sakkam, nous terminerons par une citation de Camille IMBAULT-HUART extraite d’un article publié dans le “Bulletin de géographie historique et descriptive” de 1890. Il s’agit de l’article “Histoire de la conquête de Formose par les Chinois” traduit du chinois et annoté par l’auteur.
A propos de la ville de Tch’e-kan, une autre graphie du : “[…] Sakkam des relations et cartes hollandaises : c’était à l’origine un village qui s’augmenta peu à peu, devint un bourg, engloba dans ses maisons le Fort Provintia, – bâti autrefois à son entrée, – et constitua au temps de Koxinga une belle ville, la T’aï-ouan-fou de nos jours.” [IMBAULT-HUART Camille 1890 : 136]
Finalement, le Tabernacle de PSALMANAZAR nous a permis de retracer brièvement l’histoire de Taïwan liée à celle des Hollandais. Qu’en sera-t-il des éléphants du faussaire ? Où nous mèneront-ils ?

D’où proviennent les éléphants imaginaires de PSALMANAZAR ?
L’imagination débordante du Provençal mythomane affirme la présence d’éléphants à Taïwan bien que les pachydermes n’aient jamais foulé le sol de Formose. Par deux fois, les éléphants imaginaires de PSLAMANAZAR s’offrent au regard du lecteur.

Les deux éléphants de l’image ci-dessus sont équipés d’une énorme basterne dans laquelle sont transportés des animaux. Quant à celui de l’illustration du bas, il tire une charrette remplie de bovidés. Dans les deux cas, un homme voyage à trompe d’éléphant.
Notons les formes arrondis des pachydermes dont la morphologie tend vers un croisement entre un rhinocéros et un cochon.

Comme pour le Tabernacle, nous essaierons de comprendre la genèse de ces “éléphants formosans”. Commençons par nous intéresser à la forme des éléphants dans les dessins de l’époque dont les ouvrages parlent de la Chine. C’est-à-dire aux livres du XVIIe voire au tout début du XVIIIe siècle.

L’éléphant de OGILBY et HOLLAR
L’éléphant ci-dessous provient des illustrations de John OGILBY (1600-1676) et de Wenceslaus HOLLAR (1607-1677) appartenant à l’ouvrage “An embassy from the East-India Company of the United Provinces, to the Grand Tartar Cham Emperor of China : deliver’d by their excellencies Peter de Goyer and Jacob de Keyzer, at his imperial city of Peking, wherein the cities, towns, villages, ports, rivers, &c. in their passages from Canton to Peking, are ingeniously describ’d” . Ce livre fut édité en 1673.

Bien que ce pachyderme soit plus ancien que ceux de PSALMANAZAR, sa représentation est plus proche de l’idée que nous avons des éléphants. Notons tout de même la petite oreille en forme de cœur qui se rapproche très peu des oreilles en forme de feuilles de chou défraîchies des deux proboscidiens fictifs de Formose.

Qui trompe qui ?
En feuilletant de nombreux ouvrages sur la Chine et Taïwan à la recherche d’éléphants bien réels ou imaginaires, nous pouvons constater que l’éléphant de HOLLAR et OGILBY est une copie d’une illustration plus ancienne qui date de 1665. En fait l’originale ci-dessous est l’inverse de la copie plus récente.

Copie d’une estampe destinée à l’Empereur de Chine

Avec ce nouvel éléphant, malgré la légère ressemblance de l’oreille en feuille de chou, nous sommes encore très loin des animaux étranges et imaginaires du faussaire. Ce pachyderme en couleur est-il vraiment contemporain de Georges PSALMANAZAR lorsqu’il publia son ouvrage sur Formose en 1704 ? A priori, cette estampe serait plus récente. En effet, la date de publication n’est pas précise sur le site de la BNF : “17..”, ce qui peut recouvrir un siècle entier.
Si nous feuilletons les premières pages de ce magnifique livre que je vous invite à découvrir, nous y trouvons un renseignement manuscrit collé à même la page :

En haut à gauche, nous y lisons : “17. Sbe [Septembre ?] 1797. Reçu de M. Bourgeois missionnaire françois à Pe-king.”
Nous pourrions donc en conclure que PSALMANAZAR n’a pas pu s’inspirer de cette estampe. Mais en examinant l’autre partie du texte, nous ne sommes pas si catégoriques :
“Collection des Animaux de Chine, tirée de celle de l’Empereur et pareille à celle envoyée à M. Bertin il y a une douz. [douzaine ?] d’années. On n’a pas envoyé les animaux imaginaires. Premier Cahier. 120 feuilles peintes.”
Il s’agit donc d’une copie dont l’original pourrait être plus ancien.

L’énigme morphologique et celle de la basterne
La morphologie des éléphants rondouillards et courts sur pattes de PSALMANAZAR reste une énigme. Nous avions même qualifié ces éléphants d’être “un croisement entre un rhinocéros et un cochon” . Peut-être aurions-nous été plus avisés de souligner la ressemblance avec certaines gravures représentant des vaches marines, nom attribué à l’époque aux hippopotames !
L’image ci-dessous est extraite d’un ouvrage de Guy TACHARD sur le Siam paru en 1685 intitulé “A Relation of the Voyage to Siam” .
Quant à la basterne que transportent les deux éléphants, l’imposteur a certainement transposé le rôle des chevaux ou des mules en les remplaçant par deux sympathiques lourdauds exotiques. En effet, nous n’avons trouvé aucune trace de proboscidiens équipés d’une basterne. Seuls les palanquins et les litières semblent être réservés aux éléphants.


Les embarcations formosanes imaginées par PSALMANAZAR
Continuons notre recherche sur les illustrations du livre de George PSLAMANAZAR et intéressons-nous aux dessins liés à la navigation. Nous resterons en Asie mais nous nous éloignerons en réalité de Formose.

Les embarcations des versions françaises et de la version originale anglaise
Avant de rechercher les sources d’inspiration de l’imposteur, arrêtons-nous sur les termes employés pour les présenter : “Balcon du Roy” et “Balcon d’un Grand Seigneur” . Dans la version originale anglaise de 1704, nous trouvons les expressions suivantes “The Kings Balcon” , “A Floating Village” et “A Gentlemans Balcon” .

Balcon une épenthèse du terme Balon ?
Notre hypothèse concernant le terme “balcon” pour désigner une embarcation est qu’il s’agit d’une épenthèse du mot “balon” . Il est aussi concevable d’y voir un vieux terme anglais n’ayant plus cours.
Nicolas Charles ROMME (1745-1805) dans son “Dictionnaire de la marine française, avec figures” donne la définition suivante du terme “balon” :
“BALON. ſ. m. Eſpece de bateau qui eſt en uſage à Siam & ſur la côte de Malabar ; barge of ſiam.” [ROMME Nicolas Charles 1792 : 61]
Quant à Auguste Alphonse ÉTIENNE-GALLOIS dans son ouvrage “L’ambassade de Siam au XVIIe siècle” , il précise qu’un “balon ou balan, [est une] légère embarcation formée d’un seul tronc d’arbre.” [ÉTIENNE-GALLOIS Auguste Alphonse 1862 : 22]
C’est donc par un détour par le Siam (Thaïlande) que nous essaierons de comprendre comment PSALMANAZAR a imaginé les embarcations formosanes. L’illustration ci-dessous est intitulée “Ballon du Roy à 120 Rameurs” .
Notre hypothèse semble donc se confirmer. De plus, si nous nous penchons sur les motifs floraux des différentes embarcations, nous découvrons un lien de parenté qui nous semble incontestable.
Motifs floraux chez Guy TACHARD

Motifs floraux chez PSALMANAZAR


Le bateau-village
A propos du “bateau village” , c’est encore grâce à notre voyage au Siam que nous pouvons renforcer notre hypothèse de départ : PSALMANAZAR s’est très certainement inspiré des gravures des embarcations thaïlandaises de son époque pour illustrer son livre sur Formose.

Les trois bateaux-villages ci-dessus proviennent du site Gallica de la BNF. Ils font partie d’un ensemble de quatre pages répertorié sous le titre de “Vue de l’embouchure du Menam [Meinam] avec trois feuilles de gravures concernant le royaume de Siam” .
Finalement, nous retrouvons le livre original duquel sont issues ces illustrations. Il s’agit de “De beschryving van Japan” , un livre en néerlandais de 1729. Certes, l’ouvrage de SPALMANAZAR sur Formose est antérieur (1704) mais nous pouvons imaginer que ce genre de gravures étaient contemporaines de l’imposteur.
L’important était de vérifier que ces bateaux-maisons provenaient bien du Siam. C’est ce que confirme Engelbert KAEMPFER, l’auteur de “De beschryving van Japan” qui nous indique en bas de la page 22 que les embarcations en question servaient d’habitat et qu’elles jouaient un rôle économique via le commerce.

Après nous être focalisés sur le Tabernacle, “le culte du bœuf” , les éléphants et les embarcations formosanes, il nous reste à examiner la carte géographique que George PSALMANAZAR a choisie pour documenter son ouvrage sur Taïwan. Notons que nous avons sciemment laissé de côté les illustrations des différents habitants imaginaires de l’île et de leurs vêtements farfelus.

Formose : la carte de l’imposteur
Nous commencerons par examiner la carte de l’édition anglaise, puis celle de l’édition française et nous les comparerons aux cartes disponibles à l’époque de George PSALMANAZAR.

La carte de l’édition anglaise de 1705
Dans la première édition anglaise de 1704, nous ne trouvons aucune carte de Formose. Elle n’apparaît que dans la réédition de 1705 toujours en langue anglaise.
Selon George PSALMANAZAR, Taïwan serait constituée de cinq îles dont nous verrons les noms plus tard. Pour l’instant, concentrons-nous sur la forme de Formose.


Formose et la carte de l’édition française de 1705

La carte de l’édition française de 1705 est légèrement différente de celle de l’édition anglaise mais la partie qui nous intéresse est très semblable :


Les noms des cinq îles selon l’imposteur
Selon PSALMANAZAR, Formose serait constituée de cinq îles dont nous découvrirons les noms des versions française et anglaise dans le tableau ci-dessous. Les toponymes sont classés du Nord au Sud.
Edition française | Edition anglaise |
Isle des voleurs Avia de los Ladronos (dans le texte) | Isle of Robers Avia dos Lardonos ou Isle of Thieves (dans le texte) |
Petit Peorko | Little Peorko Little Adgy (dans le texte) |
Formosa Kaboski, Gad Avia (dans le texte) | Formosa Kaboski, Gad Avia (dans le texte) |
Grand Peorko | Great Peorko Great Gyry (dans le texte) |
Isle des Voleurs | Isle of Robers Avia dos Lardonos ou Isle of Thieves (dans le texte) |
Nous notons certainement une petite erreur entre le “Ladronos” de la version française et le “Lardonos” de la version anglaise mais il ne s’agit que d’une inversion de lettre.
Les cartes nautiques sont constellées “d’îles des voleurs” , nous ne pouvons donc pas affirmer que PSALMANAZAR ait imaginé le nom des deux îles des “Ladronos” . Quant aux autres toponymes, aucune mention antérieure n’est apparue dans nos recherches. Nous pouvons avancer l’hypothèse suivante : Gad Avia et Kaboski sont certainement des inventions du Provençal mythomane qui s’était d’abord fait passé pour un Japonais puis un Formosan au XVIIIe siècle.
Une autre hypothèse que nous formulons est assez hasardeuse. Entrer dans la tête de l’imposteur n’est pas chose aisée. Aurait-il inventé le nom de “Gad Avia” en tombant sur un ouvrage de Giovanni Antonia Avia ? G. A. Davia ? Peut-être ne le saurons nous jamais.

Comparaison avec les autres cartes de l’époque
Nous devons remonter le temps, encore plus avant que dans le chapitre III, pour comprendre les “cinq îles” de PSALMANAZAR. Sur le portulan ci-dessous, il nous faut zoomer afin d’apercevoir Formose.

Une carte de Taïwan de 1599

Si nous nous focalisons sur l’emplacement de Formose, nous découvrons un découpage de l’île correspondant assez à celui présent dans le livre de PSALMANAZAR.

Nous retrouvons bien cinq îles qui sont approximativement les mêmes que celles de la carte du Provençal. Sur ce portulan de 1599, nous distinguons les îles Pescadores et le Tropique du Cancer qui passe bien au-dessus de Penghu 澎湖群島 et traverse l’île peinte en vert. Deux noms nous sont dévoilés : Ile Fermosa et Lequeo Pequno.
Afin de nous remémorer la carte de Formose selon PSALMANAZAR, nous en proposons ci-dessous une autre version disponible à la Bibliothèque Nationale de France :


L’évolution morphologique de Formose avec un portulan de 1649
Pour comprendre pourquoi Formose est si découpée en différentes îles alors que l’île principale n’en forme qu’une seule en réalité, nous nous intéresserons aux portulans anciens et à la forme des estuaires dessinés sur le cartes.

En observant la carte ci-dessus, nous remarquons que les estuaires à l’Ouest comme à l’Est sont très marqués et qu’ils s’enfoncent de manière indéfinie dans le cœur de l’île. Notre hypothèse est la suivante : le traçage des côtes de Taïwan s’effectue graduellement. Au départ, les estuaires sont confondus avec des séparations de bras de mer entre les îles, les fameuses “cinq îles” .

Formose s’affine : une carte nautique de 1700
Il est important d’avoir en tête que les eaux et courants autour de Formose sont dangereux et que l’approche de l’île et son exploration demande un temps long eu égard aux navires et aux techniques de l’époque.
Peu à peu les cartes s’améliorent et les contours de l’île s’affinent comme sur le portulan suivant datant de 1700, c’est-à-dire contemporain à George PSALMANAZAR qui préfère choisir une carte plus ancienne qui colle à son récit.

Sur la carte de Formose ci-dessus, nous nous apercevons qu’il ne reste plus qu’un estuaire très prononcé qui doit correspondre à la zone où les Hollandais établissent Fort Zelandia. Notons tout de même à la décharge des cartographes anciens que la morphologie de cette île change au cours des siècles. L’îlot, ce banc de sable de Fort Zélande, qui se rattache géologiquement au cours du temps à l’île principale en est un bon exemple.
A suivre…
Patrick LE CHEVOIR
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