Le jeune coq et le renard

Le jeune coq et le renard.

Un renard épris de liberté et un jeune coq avide de pouvoir : une fable contemporaine sur la Politique et l’Ego.


Référence bibliographique

LE Xiao Long, 2022, Le jeune coq et le renard, in livresquejaime.fr


Auteur

樂小龍 (1964)

Domaines

Fable – Politique


Article non sponsorisé

Année 2022

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Le jeune coq et le renard


Le renard qui rencontrera le jeune coq.
Le renard. Image par Alexas_Fotos de Pixabay

Il était une fois…

Il était une fois – certains disent une fois suffit, d’autres prétendent une fois de trop – un jeune coq qui se pavanait dans un poulailler dont la forme géométrique attirait l’attention de ceux qui vivaient à l’extérieur.

Ce jeune coq venait d’être élu à la présidence de ce lieu au grillage solide et haut. En quelques lunes à peine, il venait de détrôner l’ancien monarque, un vieux coq aux formes arrondies par l’âge, un coq ordinaire avait-il déclaré lors de son sacrement. Ce vieux coq quelque peu déplumé avait pris sous son aile le jeune coq dont l’esprit était vif à l’instar de son plumage juvénile. Il lui avait enseigné les ficelles du pouvoir pensant trouver en lui un allié, un ami.

Mais, comme dans toutes histoires qui nous poussent à réfléchir, l’allié dont l’ambition rivalisait avec la longueur démesurée de son bec profita de l’approche des élections pour imposer sa vision étrange du poulailler. Véritable révolution clamait la foule emplumée ! Ô génie ! Il venait, en quelque sorte, de bousculer l’ordre établi déclarant que gallinacés, palmipèdes et autres volants n’étaient ni à gauche ni à droite du perchoir. A bien y réfléchir, il venait d’inventer le centre mais cervelle d’oiseau rime avec esprit de moineau.

Le jour de sa victoire, tête haute, bec en l’air, il traversa la cour d’une manière si précieuse que beaucoup virent en lui un dieu descendu de l’Olympe. Vers la fin de son mandat, un pigeon dodelinant du chef, était le premier de ses ministres. Un dindon joufflu et bourru mais dont la verve n’avait de pair que l’écho de sa propre voix siégeait à la Justice. Au ministère de l’intérieur, un jars protecteur et nerveux réglait séance tenante la moindre dispute. Quant à Colvert, le canard, il s’occupait des finances… enfin… le croyait-il car seul le fermier détenait les deniers.

Les habitants du village voisin l’avaient affublé d’un sobriquet moqueur, le Banquier. Il est vrai que ce fermier ne vivait que pour l’argent. Même ses champs reflétaient son obsession ; il n’y semait que blé, avoine, oseille et radis.

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La rencontre avec le Renard

Tête d'un coq.
Le jeune coq – Image par rottonara de Pixabay

Un jour où le jeune coq bombait le torse près d’un des six côtés du grillage, il vit une créature étrange. Le famélique de couleur d’automne boitait péniblement. Intrigué par le nombre de pattes de ce mendiant décharné, le jeune coq l’interpella.

Hé ! Toi ! Le tripède ! Quelle drôle de créature es-tu ?

Le renard s’arrêta et s’immobilisa sans regarder le jeune pédant.

Attention Sire ! chuchota le jars, il s’agit d’un renard !

Qu’est-ce donc ? Questionna le jeune coq qui ne connaissait pas grand-chose à la vie.

Le renard est rusé, c’est l’un de nos ennemis les plus féroces, siffla discrètement le jars.

S’adressant au renard, le jeune coq lui parla en ces termes :

Ho ! Prétendit-t-il, je te reconnais, tu es le Renard, n’est-ce pas ? 

Tournant enfin la tête, le renard tiraillé par la faim répondit :

Oui, Sire, je suis le Renard. Heureux que votre Majesté reconnaisse son Empereur.

Le jeune coq agacé objecta :

Toi, Empereur ! Laisse-moi rire ! C’est la première fois que je rencontre une créature à trois pattes ! Est-ce un trait de ta lignée ?

Non, mon bon Roi, j’en avais quatre.

Mais alors, qu’est-il arrivé à celle qui te manque ?

Je l’ai rognée…

Faut-il avoir faim pour se manger la patte ! Déclara le jeune coq dans un éclat de rire ! Et, se retournant vers sa cour pour s’assurer de l’effet de son bon mot, il fut interrompu par la voix triste et sombre du Renard.

Non Sire ! Épris de Liberté ! Vous ne connaissez pas grand-chose à la vie extérieure, je suppose.

Vu ton piteux état, ta liberté me semble chère payée !

Jeune coq, Président de ces lieux, votre Empereur est las de cette discussion. Je m’en vais chercher un digne successeur. L’heure pour moi est bientôt arrivée.

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Le renard fit mine de partir

Le renard fit mine de partir.
Le renard fit mine de partir – Image par Marjon Besteman de Pixabay

Le goupil fit mine de partir quand le jeune coq ambitieux le retint.

Dis-moi, ton Empire, va-t-il au moins jusqu’au chemin que j’aperçois là-bas ?

Oui, pourquoi ?

Je me disais simplement qu’il suffirait que tu traverses ce sentier pour trouver à manger !

Triste Sire, vos moqueries ne m’atteignent pas. Vous n’avez pas idée de l’immensité de mon Empire. J’ai même traversé des contrées où les renards se transforment en jeunes filles !

Vous délirez ! Votre liberté vous a rendu fou !

Sachez encore qu’au nom de cette Liberté, j’ai perdu toutes mes dents. L’acier qui m’enfermait à eu raison de mes dernières quenottes.

Un Sans-Dent ! J’en ai entendu parler ! Vous existez donc !

Si vous étiez plus fort, je mettrais bien en jeu mon Empire pour vous ridiculiser. Mais bien qu’édenté et amaigri, le combat ne serait pas égal. Vous n’êtes pas un adversaire de poids. Si vous preniez un peu en volume, peut-être accepterais-je de vous combattre. Vous êtes trop jeune et trop frêle, n’insistez pas !

Le renard repris son chemin.

Attends ! Tu es si faible qu’un courant d’air pourrait te faire choir ! Je pourrais te battre sans soucis.

Pour que le combat soit équitable, il vous faudrait prendre du poids.

J’en prendrai !

Si dans quatre lunes, nos poids se valent, j’accepterai l’affrontement.

Le Dindon s’approcha du jeune coq :

Sire, méfiez-vous du Renard ! Si vous combattez hors de notre poulailler, vous serez en terre inconnue. Mieux vaudrait que vous luttiez en nos grillages.

Renard ! Repris le coq, à défaut d’Octogone, je t’inviterai dans notre Hexagone. C’est dans Mon royaume que tu abdiqueras !

Vous renoncez donc à vous battre ! Comment pourrais-je entrer chez vous ? Je ne puis plus grimper et il m’est maintenant impossible de gratter la terre pour passer sous votre protection grillagée.

Je demanderai à mes gens de creuser à ta place ! Tu es si maigre que l’ouvrage sera facile et rapide.

Détrompez-vous, Sire, sur trois pattes, il m’est impossible de ramper ! Que la vieille oie, là-bas, vous serve de toise. Si elle passe, je passerai ! Mais attention ! Faites en sorte que votre tunnel soit discret sans quoi le fermier le calfeutrera.

La quatrième lune

La pleine lune.
La quatrième lune – Image par FBK Anik de Pixabay

Les jours passaient et le jeune coq s’entraînait sans relâche, affûtait ses ergots, bandait ses muscles. Ses gens creusaient, se relayaient et s’amaigrissaient car non seulement ils travaillaient dur mais ils donnaient la moitié de leur grains au futur Empereur qui s’engraissait.

A la quatrième lune, tout était prêt. Le famélique couleur d’automne passa le tunnel sans encombre. Le jeune coq étincelant était énorme et imposant ! Son poids dépassait de beaucoup celui du Renard qui n’avait plus qu’une fourrure piteuse sur les os.

La lune brillait tellement que le peuple perché observait la scène les yeux grands ouverts. Le Renard pris la parole :

Je dois vous avouer que je suis surpris par votre changement physique. Inutile de combattre, je reconnais ma défaite. J’abdique ! Vous êtes le nouvel Empereur. Faites en sorte que la nouvelle se répande à grand bruit. Demandez à vos gens de laisser éclater leur joie !

Le Géant de plume tourna la tête lentement vers son peuple et leva le bec à défaut de menton. A ce moment précis, les habitants du poulailler chantèrent leur contentement.

Le fermier, qui ne dormait que d’un œil, sortit rapidement de chez lui, le fusil à la main. Une première détonation suivie d’une seconde. Le Renard tomba au pied du jeune coq. Dans un dernier souffle, il lui lança : « Liberté ! ».

Tétanisés, gallinacés et palmipèdes restaient figés. Le fermier ramassa la dépouille de son vieil ennemi. Il fut surpris par la corpulence du jeune coq et de l’aspect famélique des autres volailles. Il saisit l’Empereur par le cou, l’emmena chez lui, le pluma et le vida. Le lendemain matin, le coq mijotait dans du vin au milieu des radis.

Le soir, le Banquier fit ripaille pour fêter la mort du Renard et fit tellement bombance qu’il s’en éclata la panse. Son cœur entouré de graisse s’arrêta net, il partit donc dans l’allégresse.

Les habitants du poulailler ne voyant plus le fermier apporter le grain se décidèrent enfin à quitter l’Hexagone. La dernière à passer par le tunnel fut la vieille oie qui compris pourquoi elle en fut la toise.

Quelle morale devons-nous tirer de cette histoire ? Que nous soyons orgueilleux, vénaux ou épris de Liberté, nos actions survivront à notre trépas. Le Banquier et le Président avaient un nom, nous les avons oubliés. Le Renard, quant à lui, anonyme et libre est resté en nos mémoires.

Il existe une autre morale, celle qui précise que nul ne devrait se réjouir de la mort de son pire ennemi. Celle-ci concerne le Banquier dont le cœur s’arrêta quand son ventre éclata.

Quant à notre coq juvénile, une autre morale l’attend : qui s’engraisse aux dépens de son peuple et le méprise pour des raisons d’Ego finit morcelé en la marmite du Banquier.

LE Xiao Long (樂小龍)


Droits d’auteur : tous droits réservés.

Publié par LE Xiao Long - Patrick Le Chevoir - 樂小龍

Rédacteur de livresquejaime.fr

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