La Bibliotheca Sinica d’Henri CORDIER est une bibliographie incontournable lorsque nous nous intéressons de près ou de loin à la Chine.
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Faire un donLa chute des Géants
Certaines personnes surprennent par leurs capacités à travailler sans relâche sur un domaine bien précis. Les chercheurs hors norme attirent souvent la curiosité voire l’admiration du temps de leur vivant. Mais, quelques années après leur décès ou quelques siècles plus tard, leurs pairs orphelins commencent à critiquer l’œuvre du géant en pointant du doigt ses incohérences et ses erreurs.
Nous fautons tous et je serais tenté d’affirmer que malgré des critiques justifiées, un soupçon de jalousie est toujours latent dès que les juments aspirent à la chute de Goliath. PLINE L’ANCIEN n’est qu’un compilateur… Sir James George FRAZER n’est qu’un anthropologue de fauteuil… Malheureusement, nous oublions un peu trop rapidement l’apport significatif d’une « Histoire Naturelle » ou d’un « Rameau d’Or ».
Aujourd’hui, je vous parlerai d’un autodidacte considéré comme historien et orientaliste français par certains et non par d’autres. La notion de self-made-man est étrangement peu appréciée en France. Difficilement classable, l’autodidacte semble gêner.
Dans cet article, nous allons nous focaliser sur un infatigable lecteur et bibliographe, à savoir Henri CORDIER (1849-1925).

Bibliotheca Sinica, une base de donnée tactile
Nous porterons uniquement notre attention sur les œuvres bibliographiques d’Henri CORDIER et plus précisément sur les volumes de la « Bibliotheca Sinica », le « dictionnaire bibliographique des ouvrages relatifs à l’Empire chinois ».
Oublions un instant nos portables, nos tablettes et nos ordinateurs. Nous sommes transportés à la fin du XIXe siècle. Maintenant, ouvrons l’un des volumes de la Bibliotheca Sinica ! Nous sommes face à une base de données tactile, un véritable trésor pour nos recherches sur l’Empire du Milieu. L’Histoire grâce au papier d’antan que parfume une encre plus centenaire devient matière palpable et odorante.
Lors de mes études, j’ai souvent eu recours à ce monument de la sinologie. Bien des années sont passées et je reste toujours aussi admiratif face à ce labeur incroyable. Si vos études portent sur la Chine ou sur l’apprentissage du Mandarin, ces 4 volumes vous accompagneront toute votre vie.
Bibliotheca Sinica, une œuvre titanesque
Il vous sera loisible de naviguer au grès des milliers de pages des 4 volumes qui ont été numérisés sur le site gallica.bnf.fr de la Bibliothèque nationale de France.
Disponible à la BnF, la deuxième édition du premier volume parut en 1904. Elle n’est pas une simple réédition. Le besogneux Henri CORDIER améliore à chaque occasion sa bibliographie. Nous apprenons dans la minuscule préface que la « première édition fut publiée en huit livraisons parues » de 1878 à 1885 et « comprenait 1408 colonnes ». [CORDIER Henri (1878) 1904 : V]
Lorsque la réédition du quatrième volume sort en 1907, elle en comprend plus du double, soit 3236 !
De la genèse de la Bibliotheca Sinica
A l’âge de 20 ans, Henri CORDIER part du constat suivant : il n’existe pas de bibliographie raisonnée digne de ce nom à propos des ouvrages occidentaux traitant de la Chine. Environ 10 années plus tard, la première livraison est éditée.
La réalisation de cette mission herculéenne n’est pas un long fleuve tranquille. Il s’agit, dixit l’auteur, « […] d’un travail que, plus d’une fois, [il a] failli abandonner ». [CORDIER Henri, (1878) 1904 : XIII].

Cet amoureux des livres voit périr en mer l’un de ses instruments de travail des plus précieux et des plus intime. Le 18 juin 1877 sa bibliothèque personnelle que transportait le navire « le Mekong » est engloutie dans la mer au large des côtes africaines. [CORDIER Henri, (1878) 1904 : XI]
Le premier éditeur qu’il visite refuse catégoriquement de publier la Bibliotheca Sinica malgré la lettre de recommandation qui accompagnait son manuscrit. [CORDIER Henri, (1878) 1904 : XIV]
Dans la préface de la première édition, nous retrouvons les noms des personnes qui ont aidé Henri CORDIER et ceux des bibliothèques publiques et privées d’où proviennent les différentes entrées de ce dictionnaire. N’hésitez pas à la consulter si cela vous intéresse.
A mes lecteurs et auditeurs
Vous vous doutez bien que je serais ravi que vous plongiez dans les volumes de la Bibliotheca Sinica. Sincèrement, même en tant que simple curieux, vous ne perdrez pas votre temps. Vous risquerez peut-être de vous attarder sur le titre d’un article ou d’un ouvrage. Et qui sait ? Serait-ce le début d’un long voyage. Je vous le souhaite.
Si vous étudiez la langue chinoise et l’Histoire de la Chine, l’aide qu’apporte cette bibliographie est considérable ; ne la sous-estimez pas sous prétexte qu’elle date d’une autre époque. Des trésors y attendent patiemment sous la poussière du temps.

Anglais, espagnol, français, italien, latin, russe etc sont autant de langues disponibles dans la Bibliotheca Sinica. Si vous maniez plusieurs langues occidentales, vous serez comblés.
Ne soyez pas déçus si votre intérêt porte sur d’autres horizons asiatiques. Il existe aussi une Bibliotheca Japonica et une Bibliotheca Indosinica. Je vous avais prévenus, Henri CORDIER aime les bibliographies. Le « dictionnaire bibliographique des ouvrages relatifs à l’empire japonais » ainsi que le « dictionnaire bibliographique des ouvrages relatifs à la péninsule indochinoise » sont également consultables sur Gallica, le site incontournable de la Bnf.
En savoir plus sur Henri CORDIER
Je vous conseille également un article fort intéressant sur Henri CORDIER qui vous attend dans l’ouvrage collectif intitulé « La Chine entre amour et haine ». L’article en question est de Christine NGUYEN TRI et porte le titre suivant : « Être orientaliste au XIXe siècle – Le cas Henri Cordier ». Ce texte est situé entre les pages 209 et 263 de l’ouvrage collectif mentionné plus haut et dont voici la référence bibliographique:
Michel CARTIER (sous la direction de), La Chine entre amour et haine, Actes du VIIIe colloque de sinologie de Chantilly, variétés sinologiques n°87, institut Ricci, Desclée de Brouwer, Paris, 452 pages.
Je préfère vous prévenir que sur l’introduction et les 16 articles que comporte ce livre, 5 interventions sont en langue anglaise. J’espère que cela ne vous empêchera pas de le commander chez votre libraire.
Patrick LE CHEVOIR
23 octobre 2023

Mon DEA d’Ethnologie m’a ouvert les portes de plusieurs domaines : l’Anthropologie Sociale, l’Histoire, l’Art, la Rédaction, l’Agriculture et la Politique.